C'est le mektoub

Aujourd'hui, au boulot, en salle de pause, sorti de nulle part une collègue me demande si j'ai un chéri. 

Cette question m'a fait prendre conscience de l'aspect intrigant que revet le fait que j'ai 25 ans, que je ne suis pas trop moche ni trop bête, que j'ai une situation professionnelle stable (avec plein d'avantages comité d'entreprise ^^) et que je sois SEULE, officiellement et offficieusement SEULE.
Ca crée toute une aura de mystère et de spéculations diverses autour de ma petite personne.

De but en blanc je réponds "non" en regardant le fond de mon chocolat.
- tu ne cherches pas? t'es inscrite sur des sites de rencontres tout ça?
- non, non du tout, je ne cherche pas, j'attends que ça me tombe du ciel.

J'attends un acte providentiel. Par cette phrase, je balaye d'une main toute justification sur le fait que je ne cherche pas, parce que je suis bien comme ça. C'est impensable pour les gens qu'on puisse être célibataire par choix et revendiqué. Parce que oui, c'est par choix. Je le vois bien, qu'il y a des jeunes hommes qui se feraient un plaisir de me faire la roue pour m'embobiner et sortir avec moi. Mais la méfiance est trop forte, l'amertume aussi est encore là. Bien sûr que tous les hommes ne sont pas des pourris. Bien sûr que, même si je suis tombée sur des ex gratinés que j'appelle des connards, ils n'étaient pas plus connards que d'autres, juste des êtres humains avec leurs failles, leurs défauts et leurs faiblesses. Bien sûr qu'à force de me tromper, de me faire rouler dans la farine au point de pouvoir ouvrir une usine de biscuits, de perdre du temps et de l'energie pour des relations sans avenir, je n'ai plus envie de retenter l'expérience. Par cette phrase "j'attends que ça tombe du ciel" j'évite d'expliquer que, pour moi, le couple n'est pas l'accomplissement ultime, qu'il m'a au contraire grandement entravée et ralentie dans mon évolution personnelle et que depuis que je suis seule, j'y vois plus clair dans ma vie, dans mes objectifs, dans ce que je veux et là où je vais. 

-ah oui, tu as bien raison, laisse faire le mektoub, moi avec mon mari ,c'était le mektoub, il s'est montré à la fenêtre et m'a demandée en mariage, c'était un ami d'enfance; et voilà, il ne faut pas chercher plus loin, tu ne décides de rien : C'est le mektoub.
Le mektoub, c'est le destin du bled. J'aime bien cette expression, elle est beaucoup plus forte que notre destin à nous.

Le mektoub a décidé de m'apprendre à me debrouiller seule, à vivre seule et à cesser d'être une dépendante affective complètement sclérosée et j'ai décidé d'accepter cet enseignement, parce que je gagne en sagesse, en force et en indépendance.

J'attends que ça tombe du ciel, mais par Sainte Catherine, faites que ça ne tombe pas tout de suite!